Le 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la propagation du Covid-19 a été officiellement légiféré. La loi l’instituant est venue autoriser le gouvernement à prendre par voie d’ordonnances toute une série de mesures d’adaptation de notre société et de ses institutions à la situation de crise sanitaire actuelle. Parmi ces mesures, certaines viennent impacter le fonctionnement des entreprises et plus particulièrement le fonctionnement des instances représentatives du personnel les composant.
A l’heure où les consignes sont celles du télétravail généralisé, du recours massif au dispositif d’activité partielle et du respect strict des gestes barrières pour les quelques entreprises encore autorisées à exercer leur activité, quid du CSE destiné à se réunir régulièrement ? Qu’en est-il également de sa mise en place ou de son renouvellement initialement envisagé pendant la période de confinement ?
A l’étude de l’ordre du jour du conseil des Ministres du 1er avril 2020 et publiée au Journal Officiel le lendemain, l’Ordonnance n° 2020-389 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel vient répondre à ces questions essentielles.
L’organisation des élections professionnelles suspendue
C’est la mesure évidente et attendue de nombreux services de ressources humaines. Pour les entreprises qui avaient entrepris d’organiser leurs élections professionnelles avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance susvisée (soit le 1er avril), le processus électoral est suspendu à compter du 12 mars et ce jusqu’à une date fixée à 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Autrement dit, toutes les élections professionnelles en cours sont stoppées et ne reprendront que passé un délai de 3 mois après la fin du confinement.
Comme le précise l’Ordonnance, cette mesure vient suspendre les délais d’organisation des élections qui s’imposent à l’employeur mais aussi les délais de saisie de l’Inspection du Travail et des juridictions en cas de contestation intervenue dans le cadre des élections. De la même manière, les délais de réponse imposés aux institutions précitées sont également mis en suspens.
Mais qu’en est-il de l’entreprise qui a pu réaliser certaines étapes de son processus électoral entre le 12 mars et le 1er avril, date d’entrée en vigueur des mesures d’urgence ? Selon le texte, ces étapes ne seront pas remises en question et la suspension du processus ne prendra effet qu’à compter de la dernière opération électorale réalisée.
L’Ordonnance répond également à la question suivante : Que se passe-t-il si la suspension du processus électoral intervient entre l’organisation des deux tours de scrutin ? Le gouvernement se veut rassurant et précise que cette suspension n’aura pas pour effet d’invalider le 1er tour des élections. Il en est de même si l’élection a pu être réalisée dans sa totalité entre le 12 mars et le 1er avril (résultats valables dès le 1er tour ou à l’issue d’un 2nd tour).
En dehors de ce bouleversement des règles de calendrier électoral, l’Ordonnance vient aussi adapter la date à laquelle les conditions d’électorat et d’éligibilité doivent être appréciées. Par principe, les conditions d’ancienneté (3 mois pour être électeur, 12 mois pour être candidat) doivent être appréciées à la date du 1er tour des élections. Il n’est normalement pas question de les réévaluer en cas de 2nd tour. Mais, pour coller à la situation des entreprises qui risquent de se retrouver avec une longue période de suspension entre leurs deux tours de scrutin, le gouvernement prévoit que l’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité se fasse pour chaque tour de scrutin. Elles devront donc être exceptionnellement réévaluées en cas d’organisation d’un 2nd tour.
L’Ordonnance précise également que les entreprises devront obligatoirement organiser leurs élections professionnelles dans les 3 mois suivants la levée de l’état d’urgence sanitaire si elles étaient tenues de le faire pendant la période de confinement mais également si elles n’avaient pas encore accompli cette obligation avant l’entrée en vigueur de l’Ordonnance. Il est permis d’imaginer qu’il s’agit là d’un sursis accordé aux nombreuses entreprises qui n’ont pas encore lancé leur chantier d’élections professionnelles. Pour rappel, le Code du travail, à travers les désormais célèbres Ordonnances Macron du 22 septembre 2017, avait ordonné que le CSE soit mis en place dans les entreprises de plus de 11 salariés au plus tard le 31 décembre 2019.
Qu’en est-il des mandats des représentants du personnel actuellement en poste, faute de renouvellement des élections dans les délais impartis ? Là où ils devraient normalement arriver à expiration, l’Ordonnance prévoit une prorogation du mandat des élus jusqu’à la proclamation des résultats du 1er tour ou, à défaut, du 2nd tour s’il s’avère nécessaire. Ainsi, les entreprises concernées ne se retrouveront pas dépourvues de représentants du personnel durant cette période trouble. Cette prorogation des mandats entraîne également une prolongation de la protection contre le licenciement accordée aux membres élus du personnel.
Le recours à la dématérialisation encouragé dans l’exercice du mandat
Pour pouvoir exercer leur mandat, les membres du CSE doivent pouvoir se réunir périodiquement. Ces réunions sont d’autant plus fréquentes en période de crise sanitaire impactant la santé et la sécurité des travailleurs. Mais à l’heure de la distanciation sociale et de la mise au ralenti d’une grande partie de l’activité économique, de telles réunions peuvent être impossibles à envisager. Le gouvernement vient adapter les textes légaux afin de rendre plus aisée la réunion et la communication des membres des instances représentatives du personnel.
L’utilisation de la visioconférence n’est pas une nouveauté mais son recours est grandement assoupli. En effet, le Code du travail prévoit initialement que le recours à la visioconférence doit être autorisé par voie d’accord collectif. A défaut d’un tel accord, il est alors limité à 3 réunions par année civile. Durant la période de confinement, le recours à la visioconférence est maintenant autorisé pour toutes les réunions du CSE, peu importe leur nombre, par décision de l’employeur après information des membres de l’instance.
La visioconférence n’est pas le seul outil de communication autorisé : le gouvernement fait entrer dans la législation le recours à la conférence téléphonique mais aussi l’utilisation de la messagerie instantanée en cas d’impossibilité de procéder à une visioconférence ou à une conférence téléphonique ou lorsqu’un tel outil de communication est autorisé par voie d’accord. Les conditions de recours à la messagerie instantanée dans le cadre de l’exercice du mandat de membre du CSE seront précisées par décret.
Attention cependant car, une fois que l’état d’urgence sanitaire sera levé, ces exceptions ne seront plus valables et la limite de 3 réunions par visioconférence par année civile s’appliquera de nouveau.
La volonté du gouvernement, à travers cette Ordonnance, est donc de faciliter le quotidien actuel difficile des entreprises en leur permettant de repousser l’organisation des élections professionnelles, rendez-vous incontournable de la démocratie d’entreprise mais également extrêmement exigeant et chronophage. Dans le contexte actuel, il semble évident que la bonne réalisation d’un scrutin soit rendue impossible et en totale contradiction avec les consignes de santé publique prônées par le gouvernement. Cependant, le gouvernement souhaite garantir la continuité du fonctionnement des instances représentatives du personnel en permettant l’exercice de leur droit de consultation dans le respect des consignes de distanciation sociale et de confinement imposées.