De jurisprudence constante, la Cour de cassation interprète les disposition de l’article L.2314-18 du Code du travail en privant certains salariés de la qualité d’électeur aux élections professionnelles lorsqu’ils jouissent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise et/ou lorsqu’ils représentent effectivement l’employeur devant le Comité Social et Économique (autrement dit devant les Institutions Représentatives de l’Employeur – IRP).
Dans les prochains mois, cette position est vouée à changer : le Conseil Constitutionnel, via une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) n° 2021-947, déclare que cette exclusion de l’électorat est inconstitutionnelle. L’article L.2314-18 du Code du travail est déclaré contraire à la Constitution et il sera abrogé, dans sa version actuelle, à la date du 31 octobre 2022.
Les faits et la saisine du Conseil Constitutionnel
En 2019, la société Carrefour supermarché France a organisé la mise en place de son CSE. La CGT des personnels du commerce et de la distribution et des services a saisi le tribunal d’instance, en date du 9 décembre 2019, aux fins d’annulation des élections professionnelles pour le troisième collège du fait que les directeurs de magasin avaient été inscrits comme électeurs sur la liste électoral du collège correspondant.
Plusieurs mois plus tard, le syndicat national de l’encadrement du groupe Carrefour CFE-CGC a sollicité la transmission à la Cour de cassation d’une QPC.
Le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a rendu un jugement le 17 juin 2021 ; jugement transmettant une QPC ainsi rédigée :
« La disposition de l’article L. 2314-18 du code du travail telle qu’interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d’électeur aux élections professionnelles, et en n’encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n’être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »
Le Conseil Constitutionnel, le 19 novembre 2021, est venu se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L.2314-18 du code du travail.
L'abrogation de l'article L.2314-18 du Code du travail au 31 octobre 2022
Pour rappel, l’article L.2314-18 du Code du travail dispose que : « Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques ».
En complément, la Cour de cassation juge, de manière constante, que doivent être exclus du corps électoral les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise et/ou qui représentent effectivement l’employeur devant les IRP (et donc notamment lors des réunions du CSE).
Le Conseil Constitutionnel se prononce en invoquant qu’en privant des salariés de toute possibilité de participer en tant qu’électeur à l’élection des représentants des salariés (élection du CSE) au seul motif qu’ils disposent d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation est une atteinte qui est manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs énoncé au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil Constitutionnel abroge, à compter du 31 octobre 2022, les dispositions ainsi déclarées inconstitutionnelles. Le législateur devra donc, dans les prochains mois, reprendre sa plume pour une nouvelle rédaction de l’article L.2314-18 du Code du travail.