Quel est le bilan du nombre d’élus dans le secteur privé en 2024 ?

Quel est le bilan du nombre d’élus dans le secteur privé en 2024 ?

Cela fait maintenant 6 ans que le paysage des instances représentatives du personnel au sein des entreprises du secteur privé a été refondu au profit du CSE. Au fil du temps, les entreprises ont dû mettre en place cette supra-instance, venue regrouper le CE, le CHSCT et les DP. Le nombre d’élu du personnel s’en est alors trouvé modifié par l’effet centralisateur de cette nouvelle instance.

C’est plus particulièrement ce point qui est au cœur d’une enquête de la DARES parue le 22 février 2024. Elle a mesuré le nombre d’élus entre les cycles électoraux de 2013-2016 et de 2017-2020, soit en cours de transition des instances, permettant ainsi de dresser un bilan de l’impact du CSE sur le nombre d’élus.

Quel est le constat général dressé par l’enquête de la DARES ?

Les données collectées pour l’enquête vont mettre en lumière un sentiment déjà constaté par bon nombre : les salariés sont moins intéressés par les fonctions d’élus du personnel.

En effet, le nombre d’élus entre le cycle 2013-2016 et 2017-2020 a baissé de 5,6 %. À cela s’ajoute une proportion de sièges non pourvus très nettement en hausse sur le cycle 2017-2020 (une hausse de 72,9 % par rapport au cycle 2013-2016). En somme, moins d’élus pour représenter les salariés et moins de candidats mobilisés lors des élections pour remplir ces fonctions.

Cette baisse du nombre d’élus est-elle identique dans toutes les entreprises ?

Ce recul du nombre d’élus n’a pas la même force selon les typologies des entreprises.

Il touche particulièrement les entreprises de grande taille dès 200 salariés. À l’inverse, les entreprises de 11 à 199 salariés ont connu une hausse de leur nombre d’élus, qui est très significative pour les structures de 11 à 49 salariés. La mise en place du CSE aurait donc favorisé l’élection de représentants du personnel au sein de structure plus petite, et donc la construction d’un dialogue social.

Également, cette baisse concernerait plus particulièrement les élections regroupant plusieurs établissements au sein d’un même CSE. Cet effet centralisateur du CSE empêche possiblement une représentation de proximité pour les salariés qui ne se retrouvent plus dans leurs élus.

Quelles sont les problématiques découlant de cette baisse du nombre d’élus ?

Cet important effectif de sièges vacants à la suite des élections professionnelles va engendrer une certaine instabilité. En effet, durant les 4 années de mandat des élus du CSE, il n’est pas rare que des élus quittent l’entreprise ou démissionnent de leur fonction. En l’absence d’élus suppléants ou titulaires suffisants, les seuils de recours des élections partielles seront plus rapidement atteints. Sur ces dernières années, il n’est pas rare que des entreprises aient dû organiser à plusieurs reprises ce type d’élection, occasionnant ainsi des coûts et une certaine lassitude et incompréhension.

À la suite de ces observations, il serait éventuellement intéressant de repenser le nombre de sièges à pourvoir selon la tranche d’effectif de l’entreprise par rapport aux mesures actuelles. Ainsi, les cas de recours aux élections partielles seraient rationnalisés avec un accroissement des postes occupés. Mais est-ce réellement une solution adéquate pour pallier à ce recul du nombre d’élus ou le problème est-il plus complexe ?

Vers une baisse des élus syndiqués dans les entreprises ?

La nécessaire organisation d’un 2nd tour pour les élections professionnelles est en hausse de 7,6 points entre le cycle de 2013-2016 et celui de 2017-2020. Ce qui signifie que le 1er tour des élections professionnelles, qui est réservé aux candidatures présentées sous une étiquette syndicale, ne permet pas l’attribution de tous les sièges, soit parce que le quorum n’est pas atteint dû à une baisse de la mobilisation des salariés au moment du vote, ou que les listes présentent moins de candidats que de sièges à pourvoir.

C’est un phénomène déjà observé depuis les élections présidentielles : les Français se rendent moins aux urnes. Mais quelles en sont les raisons pour les élections professionnelles ?

Pour les petites structures, les entreprises nous font très souvent part de l’absence de connaissance des salariés à ce sujet et de la complexité des missions. Les salariés ont ainsi des difficultés à apprécier le côté pratique et l’intérêt de mettre en place une telle instance.

Pour les grandes structures ou sociétés en multi-établissement, il peut aussi être complexe pour un électeur d’élire ses représentants, alors même que la plupart des personnes composant la liste de candidats lui sont inconnues.

L’élément sous-jacent derrière ce développement reste la baisse du taux de syndicalisation en France depuis les années 50. La syndicalisation a très peu d’avantages dans notre modèle. Les syndicats offrent peu de services concrets aux yeux des salariés et négocient pour l’ensemble des salariés, qu’ils soient adhérents ou non ; ce qui n’encourage pas leur implication. Les organisations syndicales ont alors des difficultés à trouver des candidats pour composer leur liste, tout en respectant les principes de parité homme-femme. Cela occasionne des dépôts de listes incomplètes ou irrégulières faute de candidat.

Cependant, tout n’est pas perdu : le visage du syndicalisme en France évolue. Les organisations syndicales proposent des ateliers et s’adaptent aux nouvelles générations. Si bien qu’une grande majorité des 25-29 ans pense qu’il est nécessaire que les organisations syndicales soient présentes dans les entreprises et croient en l’efficacité de la participation à un mouvement collectif.

Quelles sont les raisons d’une telle baisse des élus ?

L’enquête écarte en premier une donnée mathématique, soit que le nombre d’électeurs est resté constant et a même légèrement augmenté. Ce recul du nombre d’élus ne peut donc s’expliquer par une baisse du nombre d’électeurs ou de salariés éligibles.

La raison avancée semble être celle du passage au CSE, et plus précisément sur ses prérogatives élargies qui rendraient son rôle et son fonctionnement confus pour les salariés. Il apparaît que « la complexification des nouveaux mandats, accompagnée d’une réduction de moyens, aurait découragé certains élus et salariés, qui auraient ainsi renoncé à endosser de nouvelles responsabilités ». C’est un argument qui viendrait notamment expliquer cette baisse importante du nombre d’élus dans les entreprises comportant plus de 200 salariés. En effet, le nombre d’élus à élire entre le cycle 2013-2016 et 2017-2020 a été revu à la baisse dû à la refonte des instances représentatives du personnel.

Par exemple, dans une entreprise de 100 à 124 salariés, il y avait anciennement 5 sièges à pourvoir au CE et 4 sièges en tant que DP. Le CSE n’en prévoit actuellement que 6. Or, la charge de travail est restée identique avec des demandes de salariés à traiter et des négociations à mener.

Cette volonté de centralisation a possiblement désavantagé des élus du personnel dépassés. Il peut être complexe d’allier tâches quotidiennes et fonctions d’élus qui peuvent s’avérer chronophages. Un meilleur accompagnement serait possiblement une piste de réflexion. Le but étant de construire un parcours de formation et de soutien pour permettre à ces élus de réaliser pleinement et sereinement leurs fonctions afin de susciter, potentiellement, de nouvelles vocations parmi les salariés.