Le Comité Social et Économique (CSE), des entreprises d’au moins 50 salariés, dispose d’un budget de fonctionnement ainsi que d’un budget pour les activités sociales et culturelles (ASC).
Ce CSE, étant communément appelé « grand CSE », du fait de ses attributions élargies, est maitre de son budget. En effet, celui-ci a le monopole de gestion. C’est donc à lui qu’il revient de décider de l’octroi des activités sociales et culturelles. Mais quelles conditions peut-il imposer aux salariés pour en bénéficier ?
Dans un arrêt en date du 3 avril 2024, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur les critères d’attribution des ASC par le CSE. Cependant, avant de se pencher plus en détails sur cette jurisprudence importante, il convient de revenir brièvement sur ce que sont les activités sociales et culturelles.
Quelles sont les activités sociales et culturelles pouvant être mises en place par un « grand CSE » ?
Légalement, il n’existe pas de définition de l’activité sociale et culturelle, toutefois, la Cour de cassation a défini l’œuvre sociale de la manière suivante :
toute activité non obligatoire légalement, quelle qu’en soit sa dénomination, la date de sa création, et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, dans la discrimination, en vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail, et de vie du personnel au sein de l’entreprise. »
Pour que l’on puisse considérer une activité comme une ASC, il ressort de cette définition les critères suivants :
- Celle-ci doit revêtir d’un caractère facultatif ;
- Elle doit également permettre l’amélioration des conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise ;
- Enfin, ce sont les salariés de l’entreprise (stagiaires ou anciens salariés) ou leur famille qui doivent en bénéficier, et ce, sans discrimination.
Une énumération d’activités comprises dans les ASC est par ailleurs disponible à l’article R.2312-35 du Code du travail. On y retrouve notamment :
les activités sociales et culturelles tendant à l’amélioration des conditions de bien-être, telles que les cantines, les coopératives de consommation, les logements, les jardins familiaux, les crèches, les colonies de vacances », ou encore « des institutions sociales de prévoyance et d’entraide, telles que les institutions de retraites et les sociétés de secours mutuels ».
Les ASC étant désormais bien identifiés, il convient dès lors de se concentrer sur les conditions d’octroi pouvant être mises en place par le CSE.
Le CSE peut-il prévoir un critère d’ancienneté pour l’octroi des ASC ?
Si le CSE décide librement des conditions d’octroi des ASC, sous réserve qu’elles soient objectives. Celles-ci ne peuvent être discriminatoires pour le personnel.
La Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 3 avril 2024, a jugé que :
l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté ».
Autrement dit, pour la première fois, la Cour de cassation précise que retenir l’ancienneté comme critère pour l’octroi des ASC par le CSE est illégal.
La demande de la CGT est rejetée en première instance ainsi qu’en cours d’appel, au motif :
que la condition tenant à une ancienneté de six mois dans l’entreprise pour bénéficier des activités sociales et culturelles est appliquée de la même manière à l’ensemble des salariés, lesquels sont tous placés dans la même situation au regard d’un critère objectif qui ne prend pas en compte les qualités propres du salarié, que les critères considérés comme discriminants pour exclure certains salariés de l’attribution des activités sociales et culturelles sont la prise en compte de l’appartenance syndicale et la catégorie professionnelle, que le comité est légitime, dans l’intérêt même des salariés, à rechercher à éviter un effet d’aubaine résultant de la possibilité de bénéficier, quelle que soit l’ancienneté, des actions sociales et culturelles du comité réputées généreuses ».
L’URSSAF, dans son guide pratique de 2024 intitulé « Comité social et économique, principes applicables en matière de cotisations sur les prestations », indique d’ailleurs que l’octroi des ASC « peut être réservé aux salariés ayant une ancienneté, dans la limite de six mois ».
Néanmoins, la Cour de cassation casse et annule cet arrêt rendu par la Cour d’appel en se fondant sur les articles L. 2312-78 et R. 2312-35 du Code du travail venant définir les ASC. L’ensemble des salariés et des stagiaires doivent pouvoir bénéficier des ASC dès leur entrée dans l’entreprise. Le critère d’ancienneté n’est pas objectif et légitime. Il s’agit d’un critère discriminant.
Or cette pratique était très fréquemment utilisée par les CSE jusqu’alors (bien que déjà jugée discriminatoire par certaines URSSAF).
Quelles sont les conséquences de cette décision ?
Il appartient donc désormais aux « grands » CSE de se mettre en conformité. Ils devront assurément modifier leurs conditions d’octroi des ASC. Si celles-ci prévoient une condition d’ancienneté minimale. Un CSE prévoyant un critère d’attribution illégal pourrait se voir redresser par l’URSSAF en cas de contrôle. En effet, elle pourrait considérer alors qu’il ne s’agit en vérité pas d’une ASC, activité exonérée de charges sociales, et redresser le CSE sur l’ensemble des sommes versées à ce titre sur les trois dernières années.
De surcroît, on peut légitimement se demander si les salariés n’ayant pas eu l’ancienneté nécessaire sur les précédentes années pour bénéficier d’ASC subordonnées à une ancienneté minimale pourront réclamer des dommages et intérêt en réparation du préjudice subi… Affaire à suivre !